L’année où je suis né, un cosmonaute faisait déjà son premier vol dans l’espace. C’est vous dire que le monde ne m’avait pas attendu pour exister. La plupart des territoires étaient explorés, les dernières tribus découvertes, le moteur à explosion inventé…

Autant dire qu’il ne me restait plus grand-chose à faire.Après avoir longtemps hésité, j’ai donc décidé de devenir rêveur professionnel, métierpour lequel j’avais, semble-t-il, quelques aptitudes. Bien sur, ce métier ne m’a pas nourri tout de suite.

Je dois avouer que, pendant plus de vingt ans, j’ai fourni ce qu’on appelle un “vrai travail”. J’ai donc d’abord été instituteur… Ce sont sans doute mes élèves qui m’ont aidé à réaliser ma vocation en me confiant un peu de leurs rêves.
C’est ainsi qu’un jour de juin, j’ai tout envoyé promener: mes élèves, le tableau, la boite de craies, le bureau et la cour de récréation…

De tout ça, je n’ai gardé que de très bons souvenirs, deux ou trois vieux cahiers et un crayon à papier. Rêveur professionnel depuis maintenant plus de dix ans, je n’ai jamais regretté mon choix. Pourtant, parfois, la réalité me rattrappe et je dois comme tout le monde affronter les tracas et les petites misères du quotidien.
Mais tout cela n’est rien, car comme on dit chez les rêveurs professionnels : “On n’est pas les plus malheureux !”

Bibliographie